RENCONTRE

PARIS ⏐ @SIDEADJUSTER ⏐ DÉCEMBRE 2023

"Mon pseudo sur Instagram, Side Adjuster, désigne la pièce qui permet d’ajuster le pantalon à la taille. Mais c’est un peu aussi l’idée des petits ajustements qui se font sur le côté, à la marge." 

Pour ce nouvel épisode, l’on part à la RENCONTRE de Stéphane, alias @sideadjuster sur Instagram. 

À 46 ans, né à La Réunion, il nous offre un aperçu de son parcours riche en expérimentations et en influences. L’adolescence marque le début de ses explorations stylistiques, mêlant Doc Martens et bagues à tête de mort à l’atmosphère insulaire du surf. Au milieu des années 90, Stéphane jongle entre le sportswear omniprésent de son entourage et son amour pour les accessoires underground. 

Il évolue dans un espace stylistique sans frontières, explorant constamment les marges plutôt que le cœur d’un style. Pour Stéphane, l’attrait réside dans l’exploration des limites, là où le sarto rencontre le sportswear, le military s’entremêle avec l’americana. 

MIW : Peux-tu te présenter ?

S : Je suis Stéphane, j’ai 46 ans. Je suis né à la Réunion et y ai vécu jusqu’à mes 18 ans. Je suis marié à une femme formidable et j’ai deux grands enfants extraordinaires. Avec ces deux phrases, tu as l’essence de ce que je suis, le reste n’est que détails. 

MIW : Comment as-tu commencé à t’intéresser aux vêtements ?

S : Tout débute à l’adolescence. Comme beaucoup, je ressens à cette époque un besoin d’expérimentation et d’affirmation de moi même.  Dans un univers insulaire qui fait la part belle aux shorts de surf, mes premières influences viennent avant tout du rock. À cette époque je suis Doc Martens et bagues à tête de mort. Et je peux te dire que se procurer des accessoires comme ceux là au milieu des années 90 et de l’Océan Indien, il fallait vraiment être patient et déterminé. Néanmoins, mon entourage proche et mes amis sont alors très versés dans le sportswear. Je ne rechigne pas à mélanger tout ça avec une paire de Jordan ou de Pumps

Comme tout adolescent, mes parents auront une influence sur moi alors même que je pensais m’en échapper

Je crois que j’ai hérité de ma mère qui est coquette le goût de l’accessoire et de la couleur. Mon père lui, m’aura légué une forme de nonchalance

"Explorer les limites me semble toujours plus intéressant que d’être au cœur d’un sujet. Moins ennuyeux."

MIW : Comment décrirais-tu ton style personnel ?

S : Ah, la question à laquelle je ne sais pas répondre! En fait je crois qu’il y a un mot qui pourrait résumer cette histoire : « frontière »

Pourquoi ce terme? J’ai toujours été un peu à la marge dans ce que je faisais. Explorer les limites me semble toujours plus intéressant que d’être au cœur d’un sujet. Moins ennuyeux. 

Je vais donc rarement être dans du total look et il va toujours y avoir des influences « frontalières » qui vont apparaître : du sarto avec du sportswear, du military, de l’americana etc

Mon pseudo sur Instagram, Side Adjuster, désigne la pièce qui permet d’ajuster le pantalon à la taille. Mais c’est un peu aussi l’idée des petits ajustements qui se font sur le côté, à la marge

La frontière est souvent vue dans notre imaginaire collectif comme une limite, une démarcation infranchissable. Au delà de la frontière réside le danger. 

Pourtant, une frontière est un lieu de rencontre et d’excitation. C’est un lieu de porosité où il se passe quelque chose de neuf qui résulte de l’échange. Pour le meilleur ou le pire. 

Pour cette raison, tous mes looks me représentent et je ne veux renoncer à aucun

MIW : Comment ton style a-t-il évolué avec le temps et quelles ont été les influences majeures dans cette évolution ?

S : Mon style a évolué à chacune des grandes étape de ma vie. Mon adolescence bien sûr, mon départ de la Réunion pour les études et la découverte de nouveaux codes culturels et vestimentaires. L’entrée dans la vie active, le fait de devenir papa, tout cela a systématiquement joué, sans réelle linéarité. 

Si certaines tendances devaient néanmoins être figées, je dirai que je consomme de moins en moins. Je choisis des pièces qualitatives, beaucoup de seconde main voire du vintage. 

Et une recherche d’authenticité dans les vêtements que je choisis en me tournant vers des articles emblématiques du vestiaire masculin. Emblématique ne veut cependant pas nécessairement dire classique !

MIW : Est-ce que tu te souviens de la première pièce que tu as achetée ?

S : Je crois qu’il s’agit d’une surchemise militaire trouvée dans un surplus militaire à la Réunion. Il y avait très peu de choix a la Réunion à cette époque (je parle là des années 90). Je pense que cette contrainte a dû participer à la formation de mon goût: comment avec un choix réduit tu trouves une solution, une façon de présenter la chose, une façon d’être ! C’est peut être là que les choses ont démarré pour moi. 

Dans ce surplus, il y avait des rangers, des couteaux, des tentes, des sacs militaires. On était très loin d’un salon d’habilleur !

"on teste des trucs qui nous amènent vers autre chose, comme des passerelles qu’il nous faut emprunter.  Et tout ça forme une mosaïque qui est propre à chacun d’entre nous. Notre singularité se trouve dans nos erreurs." 

MIW : Y a-t-il des pièces que tu regrettes d'avoir achetées ?

S : Littéralement aucune! Chacun de mes achats avait une raison d’être au moment où je l’ai réalisé. Attention, je ne dis pas que tous les achats étaient bons, que je ne me suis jamais trompé. Il y a eu bien des horreurs mais jamais d’erreurs! 

C’est un ensemble en fait qu’il faut considérer : on teste des trucs qui nous amènent vers autre chose, comme des passerelles qu’il nous faut emprunter. 

Et tout ça forme une mosaïque qui est propre à chacun d’entre nous. Notre singularité se trouve dans nos erreurs

MIW : Quelles seraient, selon toi, la ou les pièces de base que l’on devrait tous avoir dans sa garde-robe, indépendamment du style personnel de chacun ?

S : Je ne vais pas être très original: un bon jean, des chaussures de ville de qualité bien entretenues, des chemises à col boutonné. Un manteau dans un beau drap de laine. Un pull col rond. C’est déjà pas mal. 

MIW : Quelles sont tes marques préférées de vêtements, chaussures et accessoires ?

S : En chaussures, je suis attaché à des marques qui ont fait leurs preuves: Edward Green, Alden, Lobb, Crockett&Jones

Edward Green
Alden
Lobb
Crockett&Jones

Pour ce qui est des vêtements, je n’ai pas de références particulières. C’est le feeling du moment et la qualité du vêtement qui vont dicter mes choix. Ça peut être du Levi’s, du Barbour, du Ralph. Mais la plupart du temps, ce sont des vêtements qui ne sont pas de « marque ». Du moment que ça a été bien construit (et ce n’est pas systématiquement le cas des quelques marques que je viens de citer!), ça me va

MIW : Au début de l’interview, tu mentionnes avoir deux enfants. Est-ce que tu partages ta passion pour le vêtement avec eux ?

J’ai effectivement deux grands enfants. Mon fils a 14 ans. Pour l’instant, il n’est pas très concerné par ce sujet. C’est pas trop son truc. 
 
Ma fille a 18 ans et, en effet, elle aime beaucoup la fringue. Elle a une culture sape bien plus pointue que la mienne au même âge!

MIW : Est-ce qu’elle te demande des conseils ? As-tu une "influence" sur sa façon de s’habiller ?

Des conseils, pas vraiment. Elle sait ce qu’elle veut et fait ses choix. En revanche, il est très fréquent qu’elle me demande un avis, ce qui n’est pas exactement la même chose 😉
 
Il est fréquent qu’on chine ensemble, c’est un truc qu’on partage. Elle connaît mes adresses et il lui arrive même assez fréquemment de me piquer des blousons. Affaire de famille!

MIW : Parlons un peu de ton activité sur les réseaux sociaux. Cela fait un long moment que je te suis sur Insta, je sais que tu avais un compte précédent avant celui que tu as actuellement.

Quand as-tu commencé à créer du contenu et pourquoi ?

S : J’avais effectivement un premier compte que j’ai perdu. C’était il y a 3 ou 4 ans. J’en ai débuté un autre. Je souhaitais partager avec d’autres personnes mon goût du vêtement et échanger. La raison d’être première d’un réseau social finalement. J’ai ensuite rencontré virtuellement puis physiquement des personnes qui ont ce même centre d’intérêt et c’est plutôt cool.

MIW : Qu’est-ce qui t’inspire dans ton travail de création de contenu sur les réseaux sociaux ?

S : Les petits riens, la vie de tous les jours. Mon quartier, ma famille. Les plaisirs simples. Je saupoudre tout ça d’un peu d’humour et de second degré. Je me moque gentiment, de moi même avant tout. Ceux qui me suivent depuis longtemps connaissent désormais mes codes et que finalement rien de tout cela n’est très sérieux

Je ne sais pas si ça répond bien à ta question, en tous cas c’est un peu la vibe de ce que je propose. 

MIW : Est-ce-que la création de contenu sur les réseaux sociaux a influencé ton style ?

S : Bien sûr, énormément. En fait dès lors que tu créés quelque chose, aussi futile soit elle, c’est toi même que tu changes un peu. Il y a un regard réflexif sur soi qui est à l’œuvre. Tu t’interroges, tu testes. Bref tu vis et évolues quoi. Tu rencontres des gens, vois des trucs nouveaux et nécessairement ça vient nourrir ta démarche. 

MIW : Tu es souvent cité dans de nombreux blogs pour ton style, tu as même participé au dernier photoshoot de Max Sauveur. Que penses-tu de cela ?

S : Le fait de ne pas laisser indifférent, dans un sens ou dans l’autre, me semble être une bonne chose. C’est en tous cas au cœur de la démarche. Ça engage un questionnement voire un dialogue: pourquoi il a fait ça? Pourquoi il a choisi ça? Quelle horreur, comment peut il oser faire un truc pareil?? Tout ça finalement n’a qu’un objectif : celui de montrer que rien n’est figé, qu’on peut à chaque moment de sa vie se réinventer, faire de nouveaux choix, reprendre des vieilles routes. Essayer. 

Et si en plus ça plait, alors tant mieux. 

Photo: @_valentinrusso pour Max Sauveur
Photo: @_valentinrusso pour Max Sauveur
Photo: @_valentinrusso pour Max Sauveur
Photo: @_valentinrusso pour Max Sauveur

MIW : Sans te faire offense, tu es un peu plus âgé que moi. Tu as donc connu une époque où les blogs et les réseaux sociaux n’existaient pas (tu as sûrement dû connaître Mitterrand et même le Général aussi 😀).

Quel est ton regard sur la manière dont on “consomme” le vêtement aujourd’hui ?

S : Je vais te confirmer que j’ai connu Mitterrand et même Giscard, mais pas avant 🙂

Et oui, Stéphane a grandi à une époque où la couleur n’existait pas encore 😉

Donc là, c’est la section où je fais mon boomer et je dis que c’était mieux avant? En réalité, il y a des choses très bien avant et d’autres très bien actuellement. 

Ce que je retiens d’avant c’est la qualité, le soin apporté à la confection d’une part et à l’entretien d’autre part. Peu mais mieux. 

Ce que j’aime en revanche dans l’époque actuelle c’est la créativité, l’inventivité, la richesse des influences si l’on veut se donner la peine de regarder ce qui existe. 

Et paradoxalement, malgré cette richesse, il y aussi un véritable risque d’uniformisation qui s’installe, c’est dommage. 

MIW : Est-ce que tu aurais des comptes à nous partager dont tu apprécies le contenu ?

S : Celui de Man in Wave est exceptionnel !

Et sinon j’aime beaucoup Kévis Manzi, Paul Binam, Kevin Tipstyle, Florian Dsqflo (Florian dont tu peux retrouver l’interview ICI) et plein d’autres. 

MIW : Tu as récemment emménagé à Paris, avant cela tu vivais à Toulouse.

Est-ce qu’il y a un style propre à la ville de Toulouse (à part Bigflo et Oli et le Stade Toulousain ;)) ?

S : Pas spécifiquement, non. C’est une ville assez décontractée, assez casual. Elle est effectivement marquée par certaines valeurs du Rugby et notamment une forme de simplicité. 

Le Toulousain ne fait pas trop de chichis et c’est très bien. 

MIW : Pourrais-tu nous partager tes adresses favorites à Toulouse, si on doit y passer un weekend ?

S : Si tu vas à Toulouse tu iras prendre un café chez mes amis Arnaud et Olivier de la Fiancée. Meilleurs cookies on earth !

Le sape ça se passe chez Bec Fin Cédric Bonnamy propose une fantastique sélection dans une boutique très chaleureuse. Jérôme chez Sun Bell Store, rue Cujas, est également à ne pas rater, ainsi que les friperies de la rue.

Bec Fin
Sun Bell Store

Côté restaurant, la scène toulousaine est assez créative et revisite bien les produits du sud ouest. Juste une petite adresse qui sort des sentiers battus tripadvisoiriens: Chez Jean et Gabi, boulevard Honoré Serres. Une belle cuisine, des produits simples, très chaleureux !

MIW : Et à Paris, quels sont tes nouveaux spots 😉 ?

S : À Paris, j’aime boire mon café chez Typica ou Dreaming Man.

Typica
Dreaming Man

Les pâtes, ça se passe à l’Osteria del Anima (mouchoir de poche, réservation obligatoire !) Et le couscous, à l’Etoile Berbère, et d’une manière générale tous les boui-bouis asiat, syrien, libanais que je trouve sur ma route!

Osteria Del Anima
l'Étoile Berbère

Les puces de Saint Ouen pour les meubles et certaines fringues, les réparations jeans chez Superstitch

Puces de St-Ouen
Superstitch

MIW : Je suis un grand fan de musiques et je suis toujours curieux de savoir ce qu'écoutent les personnes que j’interview. Est-ce que tu pourrais nous recommander 10 titres à absolument écouter ?

J’aurais le sentiment de trahir un peu tous les titres que je m’apprête à ne pas citer, mais allons y:

  • Rest’la Maloya, Alain Peters
  • The carnival is over, Dead can dance
  • L’aigle noir, Barbara
  • Make love, Daft Punk
  • Lait sacré, Jeremy Labelle
  • Bleu Fuschia, Odezenne
  • Madame Butterfly, Puccini
  • Wonderful life, Black
  • Ral si ton koukoun, Ziskakan
  • Akhiyan Udeek Diyan, Nusrat Fateh Ali Khan

MIW : Le mot de la fin ?

En premier lieu, je tiens à te remercier pour ton intérêt Michaël. À tes lecteurs je dirai, faites vous plaisir, ne nous prenez pas trop la tronche et en avant.

Un grand merci à Stéphane pour cette RENCONTRE, je t’invite à aller le suivre sur Instagram si ce n’est pas déjà le cas 😉

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6 réflexions sur “Rencontre avec Stéphane @sideadjusters”

  1. Ping : MIW RADIO x Stephane @sideadjuster

    1. Merci, je suis heureux que cela t’ai plu. Je suis un grand fan de son style depuis plusieurs années maintenant. Je trouve que Stéphane est une personne très inspirante

  2. Quel plaisir à lire ! Je rejoins ce que @bienluienapris a écrit plus haut, Stéphane est l’une des meilleures sources d’inspiration à suivre. Donc continue de nous faire kiffer et merci à Michaël pour cette bonne interview 🙂

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