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VUE

Samuel ⏐ @max_sauveur ⏐ Partie 2

"Je vois Max Sauveur un peu comme une grosse bande de potes, j’ai la possibilité de faire des chaussures, si tu as envie que je te fasse une paire de chaussures, vas-y viens, je peux te la faire."

PARTIE 2

Dans la première partie de l’interview (à retrouver ici), Samuel nous a parlé de son expérience dans l’univers de la chaussures chez Rudy’s, de la naissance de Max Sauveur et de la manière dont il élabore ses produits. Je vous invite à poursuivre ici la discussion, où nous parlons de santiags et ceintures western, d’entrepreneuriat et de la manière dont il voit l’avenir de Max Sauveur.

MIW : Qu’elle est ta pièce préférée de ta collection ? Est-elle celle dont tu es le plus fier ? Qu’elle serait pour toi ta paire idéale, celle qui correspondrait le mieux à ta personnalité  ?

S : Ma pièce préférée, je pense que je ne l’ai pas encore faite, mais celle qui me plaît le plus, c’est la boots Springsteen. 

J’aime beaucoup ce modèle pour sa forme, on a beaucoup travailler dessus pour que cela puisse être super confortable pour tous les formes de pied. 

Tu vois, cela aussi c’est une vraie problématique dont on ne parle pas. Parfois, l’on se refuse de mettre une paire de chaussures parce qu’elle nous fait mal, même si on l’adore. Il y a des formes de chaussures que l’on aimerait porter mais l’on n’a pas la forme de pied pour et l’on met la faute sur le chausseur en disant que ce n’est pas confort, mais un richelieu one-cut quand tu as le coup de pied très large malheureusement cela ne sert à rien (rires), surtout s’il est un peu pointu. 

Typiquement sur la Springsteen, on a eu très peu de retour car c’est un modèle ultra-hybride de par sa forme et son look et il marche plutôt bien. 

Il y a aussi le Joshua, cette bottine avec le cuir grainé. Cette paire a une vraie touche et pas simplement un cuir noir sur une semelle classique. Il y a un vrai travail au niveau des matières qui est super important. 

MIW : J’ai lu sur le site de Max Sauveur que tu voulais que chacun trouve sa paire idéale, celle qui correspond le mieux à sa personnalité, qu’elle serait pour toi cette paire ? 

S : Ce serait un mocassin boots avec un suédé léopard, lion ou zèbre (rires) !  Quelque chose de très marqué, avec différentes strates de cuir et de niveaux. Je l’ai en dessin d’ailleurs et je l’attends en proto, j’espère que cela va sortir l’hiver prochain.  Ce sont des chaussures pour marcher où tu peux faire plusieurs choses avec, un peu comme la Deck que j’ai sortie, qui est une collab avec moi-même (rires). 

Je suis vraiment parti de ce principe, car je n’avais pour le moment personne avec qui discuter de ça, et que j’étais le bon profil. Je trouve que cette paire de bateau me correspond, à la base je ne l’ai pas créée comme je le voulais pour des problèmes techniques de production. La semelle devait être injectée avec des grains bicolores pour donner une vraie identité à la semelle. Mais je n’ai pas pu la faire parce qu’il y avait des quantités minimums énormes, je suis donc passé sur quelque chose d’un peu plus simple, c’est peut-être pour cela qu’elle marche bien aussi (rires). 

« Tout simplement, je voulais m’offrir une ceinture western, parce que j’en cherchais une pour moi, je voulais un truc pas trop cowboy, pas trop voyant pas de truc de rodéo. Je voulais une ceinture simple avec une petite boucle sympa. »

MIW : J’ai vu que tu as lancé en 2022 une petite collection de ceintures, quelle était l’idée derrière cette collection ?

S : Si j’ai sorti les ceintures, c’est à l’image de Max Sauveur. Je suis parti d’un constat, j’adore ce type de ceinture mais soit elles sont extrêmement chères, soit la qualité n’est pas dingue, parfois il n’y a même pas de doublure. Une ceinture sans doublure, cela va être cool pendant un an, mais il suffit que tu la mettes un petit peu et elle va se flinguer rapidement, peu importe la qualité de ton cuir au départ. 

Je cherchais donc une ceinture western pour moi, je voulais un truc pas trop cowboy, pas trop voyant, pas de truc de rodéo. Je voulais une ceinture simple avec une petite boucle sympa. 

J’ai galéré à la trouver comme je t’ai dit. Et il se trouve qu’en partant en Italie dans un salon de la chaussure, j’en ai parlé à un représentant que je connaissais. Il m’a donné l’adresse d’un atelier à côté de Florence. J’étais à Milan, j’ai pris un train, je suis allé les voir la fleur au fusil

Tu vois quand je te parlais d’entreprise, c’est le genre de chose que je suis obligé de faire. Max Sauveur ce n’est pas une grosse marque pour les gens, donc je ne peux pas leur commander 1 500 ceintures pour qu’il me regarde. La seule solution pour moi, c’est d’aller les voir et leur montrer que j’ai de l’intérêt pour eux.

Je suis allé les voir, ce sont des gens adorables, c’est vraiment une entreprise familiale. Ils font ça à trois personnes, le père, la mère et le fils. Ils m’ont présenté plusieurs modèles, ils avaient un showroom de dingue avec beaucoup de très beaux cuirs, la qualité des produits était dingue. 

Pour la ceinture, j’ai choisi la boucle qui était dans un catalogue, car je n’ai pas encore les moyens de dessiner et de développer ma propre boucle. J’ai choisi la combinaison entre le cuir, la doublure et la boucle. Je leur ai passé une première de commande de 30 ceintures, j’ai eu la chance qu’ils acceptent. 

La ceinture, c’est un accessoire qui me plaît beaucoup, parce que déjà c’est quelque chose de plus simple que la chaussure (rires) et surtout j’ai un très bon atelier. Quand tu es accompagné par de très bons artisans, c’est un vrai plaisir !

MIW : Pourrait-on imaginer d’autres accessoires dans le futur comme de la petite maroquinerie par exemple ? 

S : Oui, j’aimerais bien développer d’autres accessoires, mais comme je te l’ai dit, je suis seul à m’occuper de Max Sauveur et tout faire c’est compliqué. Si je commence à me mettre sur les ceintures, pendant deux, trois semaines, je ne peux pas avancer sur les chaussures. Donc, il faut laisser le temps aux choses

À terme, j’aimerais lancer un petit porte-carte un peu comme je l’imagine, quelque chose de simple, facile, pratique avec tout ce qu’il faut pour avoir un beau produit avec une identité. 

Moi j’aime tout ce qui est un peu navajo, cowboy, sans non plus partir dans le ridicule et dans le cosplay. J’aime cet esprit là, mais de manière très fine. Je souhaiterai faire un porte-carte comme ça avec ces finitions-là. 

MIW : J’ai l’impression que tu réfléchis à tes collections avec cette envie de te faire plaisir avant tout, de faire les objets que tu aurais envie d’avoir. 

S : C’est vraiment l’idée, après bien sûr qu’il y a des choses que je lance dans une perspective commerciale qui me permet d’investir sur les kifs. Mais tout part de cette envie de faire des produits qui me font plaisir, que je pourrais porter et qui peuvent répondre à des problématiques. 

MIW : Au fil de l’interview tu m’as dit que tu étais seul à t’occuper du projet, comment vois-tu l’avenir de Max Sauveur ? 

S : Tout seul ! (rires

« Tout seul ! (…) en étant petit cela me permet de maintenir ce bon prix là (…) mon idée, c’est de rester sur une tranche de prix accessibles, c’est comme ça que je vois les choses »

Non, plus sérieusement, je suis un peu traumatisé par les entreprises avec beaucoup d’employés et les problèmes que cela implique, même si cela apporte aussi beaucoup de choses. 

L’avenir de Max Sauveur, je le vois avec une communauté un peu plus grosse car cela me permettrait tout simplement de faire plus de kifs et de tenter plus de chosesUn peu plus de clients, mais surtout dans le même esprit, faire des produits plaisirs à un bon prix

Pourquoi ? car en étant petit cela me permet de maintenir ce bon prix là, car plus tu as d’employés, plus soit tu vas jouer sur du volume et donc prendre des risques sur des choses un peu dingues, soit jouer sur le prix et les augmenter. Mais moi, mon idée, c’est de rester sur une tranche de prix accessibles, c’est comme ça que je vois les choses. Je ne veux pas aller dans le luxe, ultra luxe, ce n’est pas mon kif. 

Je vois Max Sauveur un peu comme une grosse bande de potes, j’ai la possibilité de faire des chaussures, si tu as envie que je te fasse une paire de chaussures, vas-y viens, je peux te la faire. Max Sauveur, je veux que ce soit une marque qui ne se prend pas trop la tête, sans non plus passer pour le faux cool. C’est vraiment faire un truc au feeling. 

Je ne fais pas de collection, je me projette sur des modèles. Je veux pouvoir faire une basket, ensuite une boots mocassins, une santiag. Ça en plus c’est vrai pour la santiag 😉 

MIW : Ce serait cool une santiag ! J’aime bien ce modèle, mais ce n’est pas facile à trouver une paire qui ne fasse pas trop panoplie de cowboy en la portant. Je suis curieux de voir ce que tu nous prépares là-dessus. 

S : Je suis en train de travailler dessus, mais ce n’est pas évident. J’ai envie d’en porter mais comme tu le dis sans non plus pour passer pour un cowboy de Paris, c’est un peu ridicule. Je veux vraiment avoir les finitions, les avantages d’une bottine western

À la base c’est une paire qui se veut solide, pour travailler, pour marcher, pour faire du travail manuel. Elles étaient faites sur-mesure, une paire solide pour toute une vie. Il y a ce côté confort aussi qui est super-important. 

Maintenant sur les formes, elles changent beaucoup, je ne serai pas contre d’arrondir un peu le bout pour qu’elle soit moins pointue et moins cowboy, en essayant d’être un peu moins lourd sur toutes les décorations. Ce n’est pas évident, mais c’est en train d’être dessiné, je les sortirai quand je me dirai que je peux les porter.

MIW : Quel est ton plus grand défi en tant que fondateur de Max Sauveur ?

S : J’ai un peu tout quitté pour faire ce projet-là. Le plus difficile, c’est d’être une petite marque en pleine crise et de t’imposer en tant que petite marque et de t’adapter sur ce marché-là. Heureusement que je le connais d’ailleurs. 

Tu vois typiquement, au début du mois, j’étais en Roumanie, parce qu’il y a qu’une usine en Europe qui fait du montage vulcanisé. C’est tout ce qui est basket style Vans, Asahi, qui à la base sont des chaussures fabriquées au Japon, parce que toutes les machines et l’expertise se trouvent là-bas. En Europe on n’a pas du tout ce savoir-faire, sauf en Roumanie, il y a une ancienne usine qui travaillait pour Superga/Pirelli lorsqu’ils faisaient des chaussures vulcanisées en Europe. 

Et donc moi pendant trois ans, je voulais faire une avec une semelle vulcanisée, mais je n’avais pas les moyens d’aller au Japon et je ne voulais pas acheter un produit tout fait. J’ai pris beaucoup de temps à chercher cette usine, parce que tout le monde me disait que ce n’était pas possible de faire ce que je voulais faire et par un concours de circonstances, j’ai trouvé cette usine. Ils m’ont demandé de leur envoyer mes dessins techniques, ce que je ne savais pas faire, j’ai dû donc apprendre à le faire. Au bout de trois mois, ils m’ont présenté un modèle mais qui ne correspondait pas parfaitement à ce que je souhaitais. Comme il travaille avec de plus grosses marques, je n’allais pas être pertinent si je leur demandais de changer ce que je souhaitais. Et comme j’avais absolument besoin d’eux, la seule manière pour moi de finir ce modèle c’était de me rendre directement sur place, en faisant tout là-bas, leur prouvant ainsi que je suis sérieux.

MIW : Ta force, c’est d’aller dans les usines et d’être au contact des équipes.

S : Totalement, il y a des marques qui bossent avec certains producteurs, qui choisissent des modèles du showroom de l’usine, ils changent juste le cuir, certaines finitions et voilà. Je ne critique pas ça, c’est un business, il y a beaucoup de clients qui aiment ça. 

Mais moi, pour me différencier, il faut que je fasse autrement, en créant un produit en allant un peu plus loin. Mon but c’est de faire chier un peu plus les gens (rires) sans être trop casse-couille. Je suis donc obligé de me déplacer pour prouver que je suis impliqué. J’ai dû faire 3h d’avion, plus 3h de voiture pour aller voir une usine en Roumanie, mais parce que j’étais certain que cela allait me servir pour faire mon kif, en espérant que ça marche. 

C’est la plus grosse problématique, car je suis une petite marque, j’ai un minimum de commande de 400 paires et, aujourd’hui, je n’ai pas la clientèle pour être sûr et certain les yeux fermés de les vendre, cela peut se faire mais cela ne sera pas sans risque. 

« Il faut être bien entouré, capable de se réinventer et être très flexible. » 

MIW : Pour terminer, quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaiterait suivre ton exemple ? 

S : Qu’il ait un bon chômage, parce qu’il ne va rien gagner au début ! (rires) Non, pour être sérieux, qu’il soit prêt à revoir son projet, à changer de fusil d’épaule et à ne pas être fermé. Il est important de savoir s’adapter et être assez intelligent pour savoir faire évoluer son projet. Moi, mon projet au départ était légèrement différent de celui-là. Il faut être bien entouré, que cela soit copine, famille, amis, avoir un bon entourage pour t’aider. Enfin à un moment donné quand il faut se lancer, on se lance. 

Si je dois résumer, il faut être bien entouré, capable de se réinventer et être très flexible.  

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